Guide LMS FFFOD 2015 – Comment choisir sa plateforme – Observations

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En début d’année 2015, le FFFOD (Forum Français pour la Formation Ouverte et à Distance) a publié le guide « LMS – Comment choisir sa plateforme », où il analyse 12 plateformes propriétaires et 9 plateformes Open Source (incluant quelques plateformes de logiciel libre, dont Chamilo LMS et Chamilo LCMS). Vous trouverez facilement ce guide en libre téléchargement, sous forme de PDF, via une simple recherche dans votre moteur de recherche préféré.

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Chez BeezNest, le principal fournisseur officiel de services sur la plateforme Chamilo LMS, nous avons détecté une série de défauts, que nous considérons graves et préjudiciables au logiciel libre en général. Si les critères d’évaluation sont documentés dans le rapport, nous pensons qu’il est facile pour le lecteur non entraîné de passer à côté de l’importance de ces critères dans son processus de prise de décision.

Il s’agit d’une première édition du guide, qui révèle de nombreux éléments positifs. Nous n’avons relevé ici que les éléments négatifs (selon nous), en espérant que ceux-ci puissent être réduits ou éliminés lors des prochaines éditions, dans l’intérêt du public.

Notons enfin que l’auteur de cet article, représentant également l’association Chamilo, a contacté FFFOD pour faire part d’une série de commentaires. Une réponse brève de la part de Stratice (partie intégrante des éditeurs de ce guide) ne l’a pas convaincu de l’intérêt du FFFOD envers ces observations, raison pour laquelle nous avons décidé de les rendre publiques.

Critères et méthode

Dans un effort de précision, l’analyse se fait sur base de 6 critères pour les logiciels propriétaires, et un de moins pour les logiciels Open Source. On parle donc d’une évaluation de 1 à 5 sur les aspects suivants:

  • Pédagogie
  • Design
  • Technique
  • Reporting
  • Déploiement
  • Services

Dans la catégorie Open Source, l’élément « Services » n’est pas présent, ce qui a un certain sens si on considère que les éditeurs de logiciels Open Source ne sont généralement pas les uniques fournisseurs de services sur ces logiciels. Il est donc difficile d’estimer la qualité ou l’étendue de leurs services.

Notre première observation n’est donc pas que ce critère soit manquant pour l’Open Source, mais bien que, selon les explications en page 5 du guide: « Chaque éditeur a complété le questionnaire. Les réponses ont ensuite été retraitées et synthétisées par les membres du groupe du FFFOD, de façon à donner une vue synthétique de chaque plateforme ».

Ce que nous comprenons du mot « retraitées » dans cette explication, c’est que ces réponses ont été révisées et confirmées par le groupe du FFFOD (dont on aurait le droit de penser qu’ils sont compétents dans le domaine). Cependant, selon une source partie de ce groupe « Les fiches des plates-formes éditeurs ont été réalisées à partir d’un formulaire de plusieurs dizaines de questions réalisées par [ndlr: un membre du groupe]. Remplies par les éditeurs eux-mêmes, les informations qui ont été portées à notre connaissance sont donc déclaratives ».

Traduisons: « Les commerciaux des éditeurs de plateformes propriétaires ont dit ce qu’ils voulaient, sans aucun contrôle, on a simplement résumé leurs réponses« .

On pourrait donc se poser la question… les plateformes qui sont évaluées comme supérieures dans ce guide « Comment choisit sa plateforme » sont elles réellement des plateformes plus performantes ou ont elles simplement des commerciaux plus performants? Il s’agit, à notre avis, d’une méthode défectueuse pour l’élaboration d’un guide qui a pour objectif « de vous donner des repères et de faciliter votre compréhension des différentes offres ».

Interlocuteurs de référence

En page 5, le FFFOD mentionne au sujet des LMS Open Source: « Si la méthode diffère pour ces LMS c’est parce qu’il n’existe ni fiche commerciale ou technique, ni même dans la plupart des cas d’interlocuteur de référence« .

Nous avons été plus que surpris puisque, dans la plupart des cas, un interlocuteur de référence est même disponible en français sur la page principale du projet. Il s’agit donc, à notre avis, plus d’une difficulté administrative de la part du FFFOD que d’un défaut des plateformes Open Source. Nous déplorons, lamentablement, que cette difficulté et ce manque de sincérité aient un impact négatif sur l’image des plateformes Open Source dans ce guide.

Afin d’éviter ce genre d’argument lors des prochaines éditions, voici une liste courte des interlocuteurs de référence pour les logiciels analysés

  • Canvas: info@instructure.com (anglais, trouvé en première page de leur site)
  • Chamilo LMS: info@chamilo.org (en français, trouvé sur la page « Contact » de leur site)
  • Chamilo LCMS: info@chamilo.org (en français, trouvé sur la page « Contact » de leur site)
  • FormaGri: Hotline en français disponible sur leur page « Contact »
  • Claroline Connect: info@claroline.net (en français, trouvé sur la page « Contact » de leur site)
  • Dokeos: Formulaire de contact en français disponible sur leur page « Contact »
  • Ilias: commercial_ilias@ilias.com (en français, disponible sur leur page « Contact »)
  • Moodle: Formulaire de contact (en anglais, apparemment, disponible sur la page « Contact us » de moodle.com)
  • Open Olat: Formulaire de contact (en anglais, apparemment, disponible sur leur page « Contact »)

Sur 9 solutions analysées, tous ont donc des interlocuteurs officiels disponibles, et 7 d’entre eux en français. L’argument initial est donc archi-faux et, en plus, endommage l’image de sérieux des organisations qui coordonnent ces projets open source, donnant ainsi un avantage injuste aux solutions propriétaires analysées.

À la date de publication du guide, aucune tentative de contact n’avait été enregistrée, ni avec l’association Chamilo, ni avec l’un de ses fournisseurs officiels. Comment alors prétendre que les communautés de logiciels Open Source n’offrent pas d’interlocuteur de référence?

Différences conceptuelles entre LMS d’éditeurs ou Open Source

En page 7 du guide, nous retrouvons l’explication suivante concernant la différence entre LMS d’éditeurs (que nous préférons appeler propriétaires puisqu’ils appartiennent à un propriétaire unique qui restreint les droits des utilisateurs – mais nous comprenons que le FFFOD ait préféré éviter cette appellation peu commerciale) et LMS Open Source.

« Pour faire simple, dans un cas, vous vous adosserez à une société, dans le second, vous vous adosserez à une communauté de développeurs et d’utilisateurs ».

Il semblerait ici que le FFFOD ait manqué une dizaine (si pas une vingtaine) d’années de développement de l’environnement Open Source. Aujourd’hui, de nombreuses sociétés offrent des services spécialisés sur des plateformes Open Source. C’est le cas (hors de l’environnement LMS) de Odoo/OpenERP, l’un des plus grands et populaires systèmes ERP, développé principalement par une société belge qui enregistre des millions d’euros de services chaque année. C’est le cas du CMS Drupal, également une création belge, avec la société Acquia (entre autres) fondée aux États-Unis (par son créateur belge Dries Buytaert) et qui emploie aujourd’hui des centaines de personnes travaillant sur des projets de développement de plateformes web complexes, comme celle de la Maison Blanche de Washington D.C. C’est le cas de RedHat, une entreprise de services sur le système d’exploitation Linux, aujourd’hui une des Fortune 500.

Dans le monde des LMS, Canvas est développée presque entièrement par Instructure (USA), Sakai par un groupe d’universités et un réseau de partenaires professionnels (USA), Moodle principalement par Moodle HQ (Australie), Chamilo est très largement développé par BeezNest. Tous investissent dans le développement de ces plateformes via des projets professionnels d’hébergement, support, adaptation et développements pour des clients, tout comme le font les « éditeurs » de plateformes propriétaires.

Le concept « société » vs « communauté de développeurs » n’est dès lors plus, la manière correcte de présenter les choses, et ce depuis de nombreuses années. La différence réside dans la volonté de transparence et de qualité des éditeurs Open Source (puisque leurs plateformes doivent passer par un processus de qualité plus strict sachant que leur code peut apparaître aux yeux de tous), et pas dans le type de service ou de support, entre communauté et entreprise « professionnelle ».

L’explication continue et enfonce le clou sur cette erreur magistrale: « C’est parmi les autres utilisateurs que l’on trouve le support technique nécessaire – il ne faut pas compter sur un numéro d’assistance ». On sent ici l’incompréhension du modèle Open Source de la part du FFFOD. Bien sûr qu’on peut compter sur un numéro d’assistance. Si on est client d’un fournisseur de services sur l’un de ces logiciels Open Source, on aura à disposition, la plupart du temps, une équipe de support disponible par mail, téléphone et même en personne si nécessaire. Par contre, si l’on n’a pas le budget nécessaire, on pourra toujours compter, en plus, sur une communauté d’utilisateurs disponible pour répondre à vos questions. On ne parle donc pas de A (support) vs B (communauté), mais bien de A vs (B+A).

Nous déplorons cette mauvaise explication qui ne manquera pas d’inquiéter le lecteur professionnel débutant dans le monde des LMS, et de le faire abandonner l’idée d’un logiciel Open Source.

Par contre, nous soulignons le (seul) point positif de cette page 7 dans la partie « Étendue des fonctionnalités », qui indique: « Avec un LMS open source, vous pouvez imaginer de développer (ou faire développer) n’importe quelle fonctionnalité ou bénéficier de développements réalisés par d’autres structures et mises à disposition de toute la communauté ». Nous ne saurions être plus en accord sur ce point.

Enfin, en page 8, le défaut d’analyse du marché reprend, mentionnant que « L’offre selon le modèle du service ‘dans les nuages’ (ou mode SAAS) [étant] actuellement très faibles pour les LMS open source […] ». Nous ne savons pas ce qui a permis de déterminer cela, mais au moins la moitié des plateformes open source analysées propose une (ou plusieurs) solution(s) SaaS, et cela depuis des années. Les plateformes LMS Open Source étaient d’ailleurs, en ce sens, les précurseurs du modèle SaaS, avec des fournisseurs comme GoDaddy ou OVH au travers d’un CPanel et d’un installateur automatique comme Softaculous. Sous entendre aujourd’hui que les LMS open source seraient en retard à ce niveau, simplement parce que ces solutions apparaissent sur les sites des fournisseurs et pas sur le site communautaire du logiciel, ou que celles-ci ne portent pas le nom de « SaaS » ou de « Cloud », qui sont des termes purement commerciaux, démontre un manque de professionnalisme grave dans l’analyse du marché.

Sécurité

Une étiquette sur fond rouge indique, en page 8, que « Le choix de l’acquisition d’une licence peut être dicté par des questions de sécurité des données: une entreprise peut être réticente à confier à un tiers extérieur des informations sur son personnel« .

Nous ne comprenons pas vraiment l’intention de ce message, mais il serait facile de tomber dans le piège de penser que « l’acquisition d’une licence » caractérise le logiciel propriétaire alors que son opposé signifierait utiliser un logiciel open source.

La formulation est particulièrement difficile à cerner car:

  • l’acquisition d’une licence n’est pas forcément liée à la sécurité des données (il s’agit généralement d’un document à part propre aux services qui garantissent les différents aspects de sécurité des données)
  • plusieurs études académiques et professionnelles ont déjà démontré que certains logiciels libres étaient plus sécurisés que leurs équivalents propriétaire (la sécurité par obfuscation étant une mauvaise technique de sécurisation des données)
  • « confier à un tiers des informations sur son personnel » s’applique à n’importe quel fournisseur de services, pas seulement de logiciels Open Source

Désavantage de l’Open Source, ou défaut de neutralité

Bien que le guide ne mentionne aucunement vouloir respecter le principe de neutralité dans son analyse (ni le mot « neutre » ni sa racine n’apparaissent dans le document de 36 pages), nous déplorons, après analyse, un sérieux biais bénéficiant le logiciel propriétaire (et donc leurs éditeurs). Le graphique ci-dessous montre l’importance de ce biais, qui ne nous étonne pas si l’on tient compte du problème de méthode spécifié plus haut (laissant les éditeurs libres de répondre ce qu’ils souhaitent, sans validation par le FFFOD des informations fournies).

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En effet, nous aurions pu espérer qu’au moins 3 des 6 critères utilisés globalement mettent en évidence la qualité des solutions Open Source qui, de par les dimensions de leurs communautés, forment la base de l’éducation et la formation modernes. En particulier, des aspects comme l’aspect technique et l’aspect déploiement auraient dû, en toute logique, l’emporter sur le logiciel propriétaire moins interopérable, moins flexible, ne donnant pas de possibilité d’accès au code du logiciel pour y apporter des modifications, etc.

Dans les Critères techniques, l’inclusion d’arguments comme la conformité aux normes ISO-27001 est forcément un désavantage pour les logiciels Open Source, non pas parce qu’ils ne peuvent pas être conforme à ces normes, mais bien parce que ces normes sont largement liées aux services et très peu aux fonctionnalités du logiciel (BeezNest dispose de personnel certifié en ISO-27001 qui le confirme).

Dans les Critères de déploiement, l’inclusion du nombre de jours de formation pour prise en main débutant/expert est totalement subjective si aucun contact n’a été pris avec les organisations qui fournissent ce genre de service.

Manque de précision

Nous nous étonnons, enfin, du manque de précision concernant les informations de base sur les plateformes LMS Open Source analysées. Par exemple, au moment de la publication du guide, Chamilo LMS comptait une communauté de 7 millions d’utilisateurs. Le guide en mentionne 0,7 millions (soit dix fois moins). La dernière version mentionnée est la 1.98. Petite faute de frappe, mais il s’agissait de la version 1.9.8. Moodle comptait plus de 65M d’utilisateurs (page officielle de stats de Moodle). Le guide en mentionne 40M. Une différence assez flagrante…

Conclusion

En notre qualité de fournisseur officiel de l’une des plateformes LMS analysées et développeurs actifs du même logiciel, nous rejetons formellement les résultats présentés dans le guide 2015 et demandons au FFFOD et aux différents contributeurs du Guide LMS « Comment choisir sa plateforme? » de bien vouloir considérer nos observations pour l’édition 2016 du même guide. Nous espérons que, en considération des arguments concrets apportés dans cet article, le caractère injuste et peut être involontairement subjectif du contenu du guide 2015 sera mis en évidence, afin d’éviter qu’il se répète en 2016.

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